Mon espace privé

Annuaire des professionnels

Comptes-rendus des formations & congrès & AG

S’inscrire aux séminaires Hikikomori

Comptes-rendus des séminaires

Consulter mon profil

Régler ma cotisation 2025 en ligne

Comptes-rendus des formations & congrès & AG :

  • Compte-rendu de l’Atelier de recherche Hikikomori – Kyushu Univ. Collabo-Station | Intervention de Marie-Jeanne Guedj Bourdiau. 16 octobre 2024
  • Vidéos – Colloque conjoint du 17 novembre 2023

HIKIKOMORI, REPLI-RETRAIT-RETRANCHEMENT SOCIAL…
Au-delà des solutions de secours : quelles réponses ? Quels investissements ?

  • Replay du congrès SISMS du 10 au 23/10/2022

Plusieurs replay s’enchaînent sur ce même lien. C’est la 5ème vidéo (Table ronde 2) qui traite particulièrement de la situation Hikikomori, avec l’intervention du Dr Marie-Jeanne-Guedj

  • Compte-rendu de l’Assemblée générale ordinaire du 27 juin 2022
  • Rencontre de l’Association Ithaque. Strasbourg. Intervention de MJ Guedj. Juin 2022  | Entre “Soutenez-les” et “Foutez-les dehors” … les parents.
  • SMP – 13 mai 2022 – Conférence de Marie-Jeanne GUEDJ. VISITES A DOMICILE. CLAUSTRATION : LA SOCIETE MEDICOPSYCHOLOGIQUE EN 1953 AVEC LOUIS GAYRAL
  • Programme SMP – 12 et 13 mai – Académie de médecine
  • 9èmes Assises Prévention des addictions – Ancenis – 17/18 novembre 2021 – Conférence de Marie-Jeanne GUEDJ
  • Congrés National des internes en psychiatrie – 14/15 octobre 2021 – Conférence de Marie-Jeanne GUEDJ
  • D.U. Addictologie Pratique – Module 6 – Vendredi 9 avril 2021 – HIKIKOMORI – Dr Yves EDEL

Comptes-rendus des séminaires :

  • Intérêt de la remédiation cognitive – 21/11/2024 – Elise Lallart, psychothérapeute et Docteur en neurosciences
  • La parole aux usagers26/09/2024 –  Intervention d’Agnès Ferroni.

Notre fils Paul, bientôt 29 ans, est un reclus social depuis l’âge de 15 ans. Il est resté longtemps enfermé dans sa chambre, mais jamais complètement. Il a perdu ses amis petit à petit jusqu’à n’avoir que nous pour lui adresser la parole au quotidien. Nous avons connu des années d’errance diagnostique, ne sachant pas si son état était dû à une forte consommation de cannabis, à une adolescence particulièrement difficile, ou autre. Ses résultats scolaires ont chuté, et on a fini par l’inscrire dans un lycée spécialisé en art appliqué, car il a toujours gardé un goût pour le dessin. Après son bac s’en sont suivies des années d’isolement, entrecoupées de fugues dans Paris ou dans un bois à Antibes où il dormait à la belle étoile des jours durant. Mais il finissait toujours par revenir à la maison, ou plutôt dans sa chambre, dont il a fait un sanctuaire innommable jonché de vieux papiers, de peintures craquelées, de mégots, de vieux biscuits et de linge accumulés. Il y passait beaucoup de temps à dormir, ou à se cacher la tête sous sa couette, quand on passait la nôtre par la porte. La famille a été très déstabilisée, il y avait des disputes tous les jours, ses 2 frères ont fini par ne plus lui adresser la parole. Et nous étions, nous les parents, complètement désespérés, car ne pouvant frapper à aucune porte.

Nous avons commencé à adhérer au groupe de parents hikikomori il y a 6 ans sur les conseils du Dr Guedj. Ce groupe nous a permis de constater que nous n’étions pas tous seuls à vivre cet enfer, et il nous a donné l’occasion d’échanger sur les points communs et les différences. Ce soutien nous a aidé à accepter l’état de Paul, qui a fini par empirer car il restait de plus en plus prostré dans sa chambre, avec des signes évidents d’angoisse. Nous l’avons fait hospitaliser sous contrainte à Ste Anne, puis dans une clinique de long séjour, dont il s’est fait renvoyer, n’acceptant aucun traitement médicamenteux. Pendant et après ces épisodes d’hospitalisation, nous nous sommes beaucoup rapprochés de lui en organisant des randonnées, des séances de cinéma, sans vraiment d’échange verbal, mais on sentait qu’il était heureux.

Après les hospitalisations, nous avions totalement cessé de croire qu’il pourrait un jour trouver un travail, et ce que l’on voulait c’était qu’il parle à d’autres gens que nous. Pendant des années, nous avons cherché pour lui une activité qui aurait pu créer un lien social, mais tout ce que nous avons proposé s’est soldé par un échec, car il n’avait envie de rien. Il a refusé beaucoup de propositions de formations ou d’activités, qui avaient presque toutes en commun de venir de nous et pas de lui. Et puis, les choses ont commencé à changer fin 2022, quand il s’est remis à jouer du piano, arrêté à l’âge de 15 ans. Puis il s’est inscrit à des cours 2H par semaine à l’école du Louvre, et il a accepté d’être suivi par une psychologue clinicienne spécialisée en thérapie cognitivo-comportementale. La dernière étape, on n’osait même pas la rêver : il a été reçu sur dossier à une formation d’accordeur de piano, et il est parti de la maison depuis le 2 septembre pour ne revenir que les week-end. Nous avons appris à ne pas nous emballer, mais c’est difficile… Paul reste fragile.

Nous retenons de toutes ces années que, ce qu’il nous semble fonctionner dans la « sortie de bulle », c’est d’arrêter de mettre la pression, de proposer des moments de partage si l’on sent que l’instant est opportun, de proposer de façon discrète des activités ou projets en faisant en sorte que l’idée vienne de lui. Nous conseillons à tous les parents dans notre cas de ne jamais rien lâcher, d’accepter qu’il y ait plus de bas que de de hauts, et surtout, pour éviter d’être déçus, ne pas se fixer des objectifs hors d’atteinte : il y aura toujours des moments d’espoir quand une marche est franchie.

  • Étude exploratoire du syndrome de hikikomori : recherche d’éléments orientant vers un lien avec les troubles du spectre de l’autisme. 13/06/2024 – AGATHE LEQUINIO

Cette étude exploratoire de l’hikikomori avait pour objectif de rechercher des éléments orientant vers un TSA ou des traits autistiques chez des personnes en situation de Hikikomori, mais également de rechercher et décrire des particularités développementales chez ces mêmes personnes.

En effet, il existe une comorbidité entre TSA et hikikomori (de 6 % à 31 %). Quelques études ont par ailleurs montré une corrélation entre une tendance autistique et hikikomori, ainsi qu’une influence des caractéristiques des TSA sur les facteurs de risque du hikikomori.
Les critères pour entrer au sein de cette étude étaient de répondre aux critères diagnostics de Hikikomori (Kato et al), mais également être âgé entre 18 et 39 ans.

11 familles ont accepté de participer à l’étude. Pour 2 familles, leur proche qui était le sujet de l’entretien, s’est opposé à leur participation. 9 entretiens ont donc été réalisés. 6 des 9 participants, soit 66,7 % obtiennent des scores supérieurs aux scores seuils dans 2 ou 3 domaines et pourraient donc répondre au diagnostic de TSA.

Lors de cette étude il n’y a pas eu de domaine des TSA qui sont ressortis, mais dans chaque domaine, des caractéristiques se sont dégagés :
● Des difficultés conversationnelles qui trouvent leur origine depuis l’enfance avec des programmes d'entraînement aux habiletés sociales ou encore des rééducations orthophoniques centrés sur la communication sociale ;
● Des intérêts restreints qui se caractérisent par un manque de flexibilité mentale dû à des vulnérabilités face aux changements sociétaux et/ou remédiation cognitive ;
● Difficultés dans les relations avec les pairs dû à des expériences négatives, ce qui est favorisé par les TSA. Cela a un impact sur le développement social ultérieur.
● L’introversion qui est ici n’est pas dû aux TSA. Une question se pose alors. Y a-t-il un risque d’une plus grande chance de créer un syndrome de hikikomori lorsque l’introversion s’additionne avec des traits autistiques ?
● Des troubles sensoriels se ressentant comme des agressions extérieures.

Il faut cependant mentionner que cette étude a rencontré des limites dont un faible nombre de sujet, un biais de sélection, de participation, de mesure et d’interprétation.

Pour conclure, il existe une véritable problématique de l’accès aux soins pour ces patients. Il est donc primordial de continuer à s’informer, mais également à informer et de développer des prises en charge pour « aller vers » ces personnes.

  • Fabrication de jeux vidéo. Dispositif de l’École des Héros. 23/05/2024 – Michael Stora

Il y a 25 ans, j’ai utilisé des jeux vidéo comme médiations thérapeutiques auprès de jeunes souffrant de troubles du comportement, d’échec scolaire et symptômes dépressifs. Au travers de cette clinique j’ai pu mesurer la puissance immersive de ce nouveau médium qu’est le jeu vidéo et ainsi mieux saisir en quoi celui-ci, avec l’avènement du haut débit, a pu produire une des paniques dans le domaine de la santé publique en santé mentale : l’addiction aux jeux vidéo en ligne.

Il y a 15 ans, des parents m’appelaient pour des jeunes qui petit à petit rompaient totalement avec le lien social. Cela commençait par l’ école puis même au sein de la cellule familiale, ils s’enfermaient dans leur chambre, telle des refuges, pour s’adonner aux jeux vidéo. Connaissant bien cette culture, l’alliance thérapeutique se passait au mieux. Ainsi, ils passaient des heures à me parler de leurs pratiques vidéo ludique et je tentais de donner un sens aussi bien à la thématique du jeu mais aussi du choix de leurs avatars. À force de recevoir ces jeunes, je me suis rendu compte que la plupart de ces jeunes présentaient des similitudes psychopathologiques : trouble du Spectre Autistique, avec le cortège de difficultés sociales voir des phobies sociales, des symptômes dépressifs, et un HPI souvent de haut niveau. Être HPI n’est pas une pathologie mais elle peut le devenir si elle devient un enjeu d’idéalisation de la part des parents, qui va devenir une tyrannie face à n’importe quel échec.

La psychothérapie, d’inspiration psychanalytique, était jonchée de résistances pour une grande majorité de ces jeunes. Ainsi, la psychothérapie confronte le patient à ses fragilités et l’aide à accepter ses limites. Pour eux, aussi bien la question de l’inconscient et de la découverte de l’ambivalence était inacceptable et la rigidité de leurs mécanismes de défense sous couvert de hautes compétences en pensée logico mathématique faisait que l’acceptation de son mal être était avant tout vécu comme une blessure narcissique. On pouvait aussi retrouver des sentiments de persécution face aux autres semblables. Une toute puissance narcissique au service de leurs Moi qui risque pourtant de s’effondrer aux moindres atteintes à leurs intégrités affectives.
Fort de ce constat d’échec psychothérapeutique, je sentais bien qu’il fallait trouver une autre voie thérapeutique où la médiation créative serait plus adaptée face à la répression des affects mais aussi de représentations.

En 2020, j’imagine dans la continuité de mon travail, à savoir faire des écrans des alliés thérapeutiques, l’École des Héros : https://lecoledesheros.com/
Il s’agit d’un programme qui pourrait se résumer ainsi : de l’addiction à la création.
Il dure une année et chaque après midi, un groupe de 10 jeunes conçoivent un jeu vidéo accompagnés par un formateur en codage et un autre en graphisme. Un psychologue connaissant bien la culture du jeu vidéo encadre le groupe en proposant deux ateliers : médiation par les jeux vidéo et un autre dédié à la création d’un jeu de rôle sur plateau.
Cela fait maintenant trois années que le programme existe et le bilan est globalement positif car 75 % des jeunes ont pu se réenvisager dans une dynamique de resocialisation.

La vocation première de ce programme est de favoriser la capacité à se sortir de la situation de retrait social tout en favorisant la conception d’un projet afin de se projeter dans une dimension temporo-spatiale à long terme. La capacité à supporter les échecs, dans le long trajet de la création d’un jeu vidéo, en valorisant cette persévérance. Le cadre de l’École des Héros servant de tiers symbolique pour se sortir d’une tendance mortifère : le « reclus dans le corps maison ».

Les jeunes que nous recevons, même si on retrouve des similitudes psychopathologiques, ont des histoires et mécanismes de défense différents. Les échecs que nous avons rencontrés sont souvent liés à un problème d’alliance thérapeutique avec les parents qui peuvent présenter des ambivalences . L’enfant symptôme que nous rencontrons dans les thérapies familiales en est un exemple. Pour l’avenir, il serait judicieux de proposer des solutions de thérapies familiales pour certaines familles.

  • L’hospitalisation comme thérapeutique. 21/03/2024 – Nicolas Dissez, discutant : Xavier Benarous

Ce séminaire sera l’occasion de faire part des effets de l’accueil de patients dits Hikikomori primaires en milieu hospitalier, ainsi que d’un certain nombre d’hypothèses et de propositions qui en découlent.

La conduite de réclusion des patients dits Hikikomori primaires comporte des singularités spécifiques : cet enfermement ne se traduit par le surgissement d’aucun manque (en particulier concernant les relations sociales ou la sexualité) ni par des manifestations clairement dépressives comme c’est le cas, par exemple, dans les situations d’isolement consécutif à un registre phobique classique. Consécutivement, ce contexte clinique se caractérise par l’absence de toute plainte, de toute demande auprès de l’entourage ou des médecins.

L’accueil hospitalier de ces patients conduit à une première surprise : le retrait dans la chambre au sein du domicile familial – qui donne son nom au tableau clinique de Hikikomori – ne perdure pas à l’hôpital. Après quelques jours ceux-ci sortent de leur isolement pour prendre leur repas en commun et nouer des relations avec les autres patients, voire acceptent les propositions d’entretiens avec le médecin ou le psychologue. La reprise de ces liens s’effectue toutefois sans en prendre eux-mêmes l’initiative, sans qu’ils en fasse spontanément la demande.

Cette première surprise peut conduire à une hypothèse : la claustration au sein de la famille constitue moins un refus de toute relation qu’un évitement des demandes d’engagement, d’implication, et de réussite sociale soutenues par l’entourage. Ces demandes sont incarnées, sur un mode inévitable puisque conforme à leurs fonctions d’éducateurs, par les parents. Le cœur de la difficulté des patients dits Hikikomori se situerait donc moins dans la claustration que dans le désaveu, le refus et l’évitement de tout discours impliquant une ambition sociale partagée. C’est la confrontation avec cett demande de réussite scolaire, d’ambition professionnelle, voire implicitement d’engagement amoureux hors de la maison qui conduit ces patients à une situation paradoxale d’enfermement au sein même de la famille. L’usage régulier d’Internet maintiendrait un lien qui les ne confronte pas aux mêmes demandes. Notons que ce contexte clinique souligne en creux la fonction sociale de cet engagement par le biais d’une ambition – ou « jouissance » dans une terminologie psychanalytique – dans laquelle ces patients ne s’inscrivent en rien. Comme régulièrement, le fonctionnement pathologique vient ici éclairer le registre ordinaire, dit normal.

Une telle lecture ne peut que conduire le praticien – se soumettant aux positions subjectives de ses patients – à renoncer à toute incitation à s’inscrire dans un idéal de réussite sociale. Cette attitude soignante traditionnelle dans le contexte de l’hôpital psychiatrique entre indéniablement en contradiction avec la logique entrepreneuriale qui traverse aujourd’hui « l’Hôpital entreprise ». Il s’agit ici d’éviter de soutenir une attitude éducative qui pourrait se manifester sous la forme d’une demande de projets, d’une inscription sociale rapide en dehors de l’hôpital pour soutenir la possibilité de parcours singuliers qui permettent à ces patients de s’extraire de leur situation initiale au sein de leur famille.

Cette perspective thérapeutique maintient toutefois un constat : si la réclusion, le défaut de relation à l’autre, ne constituent pas le cœur de la psychopathologie de ces patients, l’absence de toute demande, de toute prise d’initiative n’est pas modifiée par l’admission à l’hôpital, elle perdure à la suite de l’hospitalisation et témoigne bien d’une constante de ces tableaux cliniques singuliers et encore largement méconnus par la communauté médicale.

  • Le virtuel dans la conduite hikikomori. 11/01/2024 – Abdou Belkacem, discutante Marie-Jeanne Guedj

Le monde virtuel est le nom actuel donné au monde imaginaire où peuvent venir se réfugier des sujets voulant apaiser leurs symptômes. Les jeux vidéo en ligne sont les principaux objets mis en cause pour leur potentiel danger. Aussi peut-on lire ou entendre que les écrans sont devenus dangereux car ils coupent de la réalité, les jeux vidéo incitent les joueurs à la violence, les réseaux sociaux exposent chacun à la malveillance de tout le monde. Dernièrement, l’essor des nouvelles technologies offre l’expérience de la réalité virtuelle et certains y voient là une menace contre l’existence du sujet.

Bien souvent ces angoisses sont celles de l’entourage du patient, d’où le besoin de les familiariser avec le concept du virtuel. Car il existe déjà une théorie du virtuel, en commençant par les approches philosophique et psychanalytique. Et chaque culture appréhende le virtuel selon ses propres valeurs.

Par exemple, le Japon semble bien plus aguerri. L’enjeu de ce séminaire est de resituer le virtuel des nouvelles technologies parmi les autres virtuels et ainsi, de mieux dialoguer avec nos patients qui ont fait le choix de ne pas vivre dans la vie actuelle.
Nous verrons à travers des cas cliniques comment la rencontre entre le sujet et ce monde du virtuel technologique vient répondre à ses propres difficultés existentielles.

  • Approche développementale des conduites de retrait. 21/09/2023 – Xavier Benarous, discutante : Emmanuelle Boe

Quel intérêt de regrouper des conduites de retraits/claustrations à l’adolescence sous un même terme ? Pourquoi parler d’hikikomori ? S’agit-il d’un syndrome clinique qui ne préjugent pas du diagnostic sous-jacent, d’une nouvelle entité diagnostique ?

Malgré l’hétérogénéité des situations cliniques, des motifs communs se dégagent dans la littérature : des réactions de retrait dès la petite enfance, une inhibition dans l’expression des affects, une hypersensibilité aux conventions/normes mais aussi à la détresse à d’autres membres de la famille.

Quand un diagnostic psychiatrique est posé, il existe fréquemment un hiatus entre la sévérité clinique et le retentissement fonctionnel, avec des durées de retrait parfois de plusieurs années. Quelque chose d’autre nous manque pour appréhender correctement l’histoire naturelle de ces conduites.

Pour comprendre les limites de nos outils de compréhension habituelle, je propose d’utiliser des concepts inspirés de l’analyse de systèmes complexes de développement. Si des spécificités sur le plan des compétences socio-émotionnelles peuvent rendre compte des antécédents fréquemment retrouvés, c’est leur mise en œuvre à l’adolescence dans un système relationnel de complexité croissante qui vient dévoiler les difficultés. La rencontre avec les tâches développementales de l’adolescence constitue un facteur précipitant constamment décrit comme la construction d’un idéal de soi avec l’acceptation douloureuse de ses incapacités, le besoin d’être validé et reconnu par autrui, dans et à l’extérieur du groupe, avec tous les enjeux transgénérationnels et socioculturels que cela ouvre.

  • Phobie scolaire et devenir Hikikomori. 22/06/2023 – Emmanuelle Boë, discutant : Nicolas Hespel

Si la conduite de claustration à domicile n’entre pas dans la définition normée de la phobie scolaire, elle s’y associe dans bien des cas et en constitue un facteur de gravité. Nous proposons dans ce séminaire d’aborder cette double valence : le retrait de l’école et l’attrait de la maison, voire de la chambre. Il est souvent bien difficile d’établir une préséance en termes de causalité. Les rationalisations du patient n’expliquent rien et sa conduite reste longtemps fort énigmatique, aux yeux des proches, des soignants, et du sujet lui-même.

Nous réfléchirons aux différentes hypothèses sur les origines de ce trouble, en nous aidant des circonstances de son apparition (avec des récurrences comme une impossibilité à retourner en cours après une maladie ou simplement des vacances scolaires), et des moments charnières auxquels il survient (changement de cycle par exemple).

Comme dans la conduite hikikomori du plus âgé, l’inertie qui découle du repli au domicile se décline en suspension du temps, immobilité physique, abrasion de la dynamique de pensée, et appauvrissement relationnel. Tous ces facteurs compliquent la prise en charge thérapeutique renvoyant les parents, le pédagogue ou le thérapeute à un fort sentiment d’impuissance. Nous évoquerons comment contourner cet obstacle majeur et tenter de proposer une issue à ce qui apparaît généralement comme une impasse, en nous appuyant sur des situations cliniques rencontrées à l’hôpital ou en consultation.

  • Hikikomori, une consultation spécifique – 11/05/2023 – MITRA KRAUSE, CLAIRE ROLLAND-JACQUEMIN, Discutante : MARIE-JEANNE GUEDJ

« Pour moi, vivre est déjà un travail »

A Strasbourg, cette consultation spécifique dédiée au retrait social s’inscrit dans le cadre d’un CSAPA (centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie).

Elle propose, à des familles et à des jeunes gens installés dans une problématique de retrait social, différentes pistes de travail, dans le cadre d’un suivi individuel ou collectif.

Notre approche clinique est basée sur la psychanalyse et la prise en charge somatique et psychosomatique des personnes rencontrées.

Sont successivement abordés :

  • L’importance des consultations psychologiques individualisées pour les parents et l’entourage.
  • La prise en compte des problématiques somatiques des jeunes via des consultations médicales par un médecin généraliste
  • La prise en charge des conduites addictives qui peuvent être liées à l’isolement, par un médecin addictologue
  • Deux groupes de réflexion sur cette problématique et ses conséquences, l’un porté par les parents, l’autres par les jeunes, et co-animés par des membres de l’équipe de Détours.
  • L’association d’un certain nombre de partenaires à la réflexion qui découle de cette manière de travailler (Marie-Jeanne Guedj, Tadaaki Furuhashi,).

Accéder ici au résumé de ce séminaire

  • Travailler avec la famille – 23/03/2023 – MARIE-JEANNE GUEDJ-BOURDIAU, Discutant : ALAIN MERCUEL

La prise en charge de la famille, souvent elle-même dans le « double hikikomori », constitue la première phase de la prise en charge recommandée par le ministère de la Santé Japonais. Elle permet de soulager le fardeau familial en faisant sortir de la culpabilité et de la honte, en en finissant avec les parents de l’enfance, et en acceptant l’intervention de tiers.

Diverses étapes de réponse au fardeau familial sont mises en place.

La consultation famille sans le patient est un dispositif d’accueil de la famille seule. Elle utilise les notions de guidance familiale. Dans une famille aimante, mais contrainte par des règles strictes, le jeune en retrait devient inconsciemment enchaîné, même si la famille se montre peu envahissante. La famille vit dans la honte et l’auto-dépréciation, tant au Japon qu’en France.

Les entretiens de guidance parentale montrent leur efficacité sur l’acceptation du jeune tel qu’il est et non qu’il devrait être. Ils vérifient l’absence de causalité directe entre l’attitude des parents et le retrait du jeune, mais aussi leur rôle majeur dans l’amélioration de la situation hikikomori.  Ces entretiens utilisent le modèle de l’entretien de crise pour ce qui est une crise au long cours.

La thérapie multi familiale initiée dans les situations de dépendance (mais le hikikomori n’est-il pas une situation de dépendance ?), rassemble plusieurs familles dont le jeune est en soin ou en voie de l’être. C’est un groupe de parole, un lieu d’information et un endroit d’échanges. Si on peut dire que le jeune hikikomori est en défaut d’accès à l’intimité autrement qu’en se barricadant dans sa chambre, la thérapie multi familiale utilise positivement l’absence d’intimité pour la famille.

Différents thèmes sont abordés :

  • Envisager la demande manifeste, et la demande sous-jacente, ambivalente et douloureuse.
  • Assouplir les messages transgénérationnels inconsciemment véhiculés.
  • Respecter les étapes d’une autonomie mutuelle.
  • Accepter toute inscription dans la visibilité sociale, la recherche emploi/études en découlera.
  • Voire faciliter la prise en charge psychiatrique, soit avec les outils de la visite à domicile et de la prise en charge communautaire, ou par une hospitalisation en service formé aux situations de hikikomori.

Accéder ici au résumé de ce séminaire