Comprendre le trouble

Le comportement de retrait ou claustration à domicile, pourtant décrit très anciennement, est un problème méconnu, souvent mésestimé par les intervenants de première ligne et les consultations ambulatoires. Il connaît un regain d’actualité car il touche mondialement la jeunesse. 

Le débat s’ouvre à plusieurs niveaux : association éventuelle à une pathologie, existence comme entité autonome, lien avec la culture, pathologie ou mode d’adaptation aux conditions sociétales actuelles ? Situé au carrefour du psychologique, du social et du comportemental on rejoint la définition de l’addiction « au carrefour d’une personnalité, d’un moment socio culturel et d’un produit ». Il se définit comme un enfermement, au domicile familial d’abord, puis presque exclusivement dans la chambre, associé à des aberrations du sommeil et de l’alimentation qui ne suivent plus le rythme familial, auquel s’ajoute presque toujours l’usage immodéré d’Internet.

L’abord des personnes présentant un tel comportement est indirect, par le biais de la demande épuisée de l’entourage. La visite à domicile est un moyen d’accès plus direct, mais elle est crainte comme une intrusion. Pourtant, longtemps après, le jeune dira qu’il était en perdition, sans personne pour l’en sortir.

Des travaux très anciens s’intéressaient à cette conduite, déjà repérée comme trans nosographique, souvent associée à un indice de gravité. Qu’est-ce qui, à travers ce polymorphisme et dans le contexte sociétal actuel, au Japon, en France et ailleurs, semble faire choisir ce trouble des conduites ?

Il témoigne d’une psychopathologie rendue sévère par la régression, le dessaisissement des moyens cognitifs et relationnels accompagné de réticence, la mésestime de soi. Il prend place sur une histoire infantile aux failles souvent masquées par un brillant développement scolaire : l’aspect environnemental ou social (interdits, intrusions, pressions) en est une composante majeure.

La souffrance familiale est au premier plan, d’autant que les parents, débordés par la honte, demandent rarement de l’aide. Lors de la prise en charge, plusieurs conceptions s’affrontent. Soit la sortie de claustration est considérée comme prioritaire du fait de la gravité psychopathologique, cela correspond à l’abord psychiatrique en Occident, soit la capacité de renouer des relations interpersonnelles par une action sur l’environnement prévaut, ainsi au Japon on attendrait que l’adolescent émerge. Mais une telle conduite tend à se reproduire, et imprime elle-même le mode de réaction de l’entourage.

Marie-Jeanne Guedj